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Témoignages de survivants

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« Maman, des terroristes nous tirent dessus, Yuval et Ron sont morts. ».

  • Atar K.'s story

Je ne veux pas qu’ils aient des souvenirs d’avoir eu faim.

Il est 14h.

Cela fait 7 heures et demi que moi et les enfants sommes dans l’abri anti-missile.

Juste avant d’y entrer, j’ai couru apporter une tablette pour les enfants, un chargeur de portable pour moi et un couteau.

Je me tiens debout devant le tiroir des couverts.

Qu’est-ce qui est mieux, un couteau aiguisé ou avec une extrémité arrondie?

Moins tranchant mais pointu?

Je ne sais pas, je n’ai jamais eu ce genre de discussion avec moi même ou avec quelqu’un d’autre.

Avec quoi c’est mieux de poignarder des terroristes pour rester vivante?

Il vaut mieux viser le cœur ou le visage?

Aurai-je le temps de poignarder avant qu’ils me tirent dessus?

Est-ce qu’après m’avoir abattue, ils vont regarder dans les chambres et vont voir qu’il y a deux lits d’enfants?

Est ce qu’ils vont les chercher?


Avec quoi c’est mieux de poignarder des terroristes pour rester vivante?

Est ce que les enfants vont rester silencieux dans l’armoire car je leur ai dit que peu importe ce qu’ils entendent, ils doivent être silencieux et rester dedans?

Et s’ils restent silencieux, est ce que ça aidera?

Est ce que mon cœur sort de ma poitrine ou c’est juste une impression?

Je prends un couteau avec une extrémité pointue.

Je cours à l’abri.

Je ferme la porte qui n’a pas de verrou.

Car qui aurait cru…

Je regarde la pièce sous un nouveau regard, plus concret:

Quand un terroriste rentre, quelle est la première chose qu’il voit?

Et la dernière chose?

Je place les enfants selon cette idée, à l’endroit le plus sûr avant le placard.

Je coupe avec le couteau des planches qui sont liées l’une à l’autre par une corde au bas du lit.

J’essaie de bloquer la poignée avec une planche.

Ça ne marche pas.

Je casse la tringle à rideaux.

C’est plus stable. Je la laisse.

Je pousse une commode contre la porte. Ils devront faire plus d’efforts pour les atteindre.

Et ils frappent contre les portes.

Et ils frappent contre les fenêtres.

Puis le silence.

Et encore.

Il est 14h. Ça fait 7 heures et demi que nous sommes dans l’abri.

L’aînée demande en murmurant: " Maman l’heure du déjeuner est aussi passée n’est ce pas? "

Je ne me suis pas rappelée d’amener de l’eau et à manger quand j’ai pris à la hâte le couteau.

La dernière fois qu’ils ont mangé c’était hier soir.

En début de matinée, ils ont même demandé avec insistance quand allait être prêts les pancakes de Chabbat.

Je ne me suis pas rappelée d’amener de l’eau et à manger quand j’ai pris à la hâte le couteau.

Après quelques heures, ils sont devenus très silencieux et ont même arrêté de demander.

Je souffre et je comprends parfaitement - Personne ne va venir nous sauver.

Les tirs dehors n’en finissent pas.

Je ne peux pas laisser mes enfants se déshydrater.

Je ne veux pas qu’ils aient des souvenirs d’avoir eu faim.

Je décide de sortir.

Je leur rappelle que quoiqu’il arrive ils restent ici.

Je cours à la cuisine, j’attrape tout ce que je peux et reviens en courant. Je ferme.

Je leur sers de l’eau.

Ils mangent un gâteau que nous avons préparé hier.

Nous en avons fait une partie pour nous et en avons donnée une autre aux voisins âgés du quartier.

Maintenant, que leur est-il arrivé?

"Maman je peux avoir encore du gâteau ? "

Oui.

Ils mangent.

"Maman je peux avoir encore du gâteau ? "

Oui.

Ils mangent.

"Maman je peux avoir encore du gâteau ? "

"Vous pouvez en avoir autant que vous voulez. Mangez. "

La grande me regarde -

"Mais pourquoi ? C’est un gâteau bon pour la santé ? "

Je réalise que hier soir, prendre soin de son corps c’était :

manger sainement,

mettre de la crème solaire,

se brosser les dents et ne pas oublier de bien le faire aussi derrière les dents.

Quelle innocence.

A ce moment là je réalise que nous ne serons plus jamais les mêmes.

Si nous restons en vie.

A ce moment là je réalise que nous ne serons plus jamais les mêmes.Si nous restons en vie.

Atar K.

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