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Témoignages de survivants

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Nous étouffons à cause de la fumée dans l’abri, nous n’avons pas d’air

  • Naama G.'s story

J’ai appelé ma mère pour lui dire que je l’aime, mais que cette fois je ne survivrai pas

La fête du Massacre

Le vendredi, je suis allée travailler au festival Nova en tant que chef d’équipe, toute contente, Ilkin est venu me chercher avec Doushi, Kouki et Inbar. Nous étions excités tout le long du trajet, heureux que le moment tant attendu de bouger un peu notre popotin soit arrivé. Arrivés à la fête, on pose notre campement, les énergies étaient très étranges. Doushi Kouki et moi nous sommes assis dans le campement, on n’arrive pas à expliquer ce que l’on ressent.


Eilkin, Doushi, Cookey, Inbar and Naama

Vers 6 heures du matin, Yarin (Artifex) a commencé à jouer un morceau pour accompagner le lever du soleil (en plus d’être un artiste talentueux, c’est aussi un bon ami) et nous nous sommes levées pour danser, pour se trémousser un peu. Juste au moment où nous avons commencé à nous amuser, la musique a été coupée. On annonce que des terroristes ont infiltré le terrain et qu’on doit s’enfuir. Des missiles interceptés explosaient dans le ciel, comme dans une scène de film. La police nous a dit de monter dans nos voitures et de partir, mais on s’est dit que en toute logique, si 4 000 personnes essayaient de partir d’un coup, personne ne sortirait.

La logique a prévalu, et nous sommes restés sur le terrain .

Doushi a récité la prière du Shema, et nous avons prié pour que tout cela se termine. Mais cela ne faisait que commencer.

Au moment où nous étions sur le point de sortir de la voiture et de courir, nous avons vu une file interminable de terroristes qui s’avancent à pied, équipés de toutes sortes d’armes, on a compris qu’il était temps de courir et de prier fort fort fort. On s’est dit que survivre à cela, serait un miracle, et que tout dépendait désormais de la providence. Après environ quinze minutes de course sous les tirs venant de tous côtés, un type m’a poussée dans une benne à ordures de poubelle où nous nous sommes cachés - moi et une dizaine d’autres personnes - pendant 3 heures.

Autour de nous, des coups de feu, des cris de « Allah Akbar » et autres perles de sagesse,on a simplement prié pour que quelqu’un arrête c e chaos. Où est l’armée israélienne? La police ? Quelqu’un ? Quelque chose? Les missiles volent au-dessus de nos têtes, la police ne répond pas, personne ne répond… Un nombre impressionnant de blessés, des cris de tous côtés, des sifflements de balles, des voitures qui explosent et d’innombrables terroristes de Gaza avec des armes et des tongs (certains même sans tongs), qui paradent, hurlent et tirent. Ils étaient venus se défouler pendant mon festival Nova.

Après environ 3 heures cachés dans ce conteneur benne sous un soleil brûlant et entourés de notre propre urine, un terroriste s’est approché très près de la poubelle, et j’ai demandé à l’une des filles qui était là de se taire pour qu’il ne nous fasse pas de mal. Elle a dit qu’elle devait changer de position et a bougé. Le plastique sous les tas de déchets a fait du bruit. Et en moins d’une seconde, le terroriste était déjà entré dans la benne, il nous a mitraillés et est parti en criant « Allah Akbar ».

Deux garçons, beaux et gentils, ont pris une balle dans la tête et sont morts sous nos yeux, les autres filles ont été touchées à divers endroits, et j’ai reçu plusieurs balles, une dans chaque aine et une autre dans l’épaule qui s’est avérée plus tard avoir traversé mon corps pour atteindre la semelle d’une chaussure de Noam, épargnant ainsi sa jambe gauche. J’ai appelé ma mère pour lui dire que je l’aime, mais que cette fois je ne survivrai pas.

Des cris, de la sueur, du sang, des déchets et des membres épars, tout perd vraiment son sens, on se sent vide.

Et puis la course contre la montre et des anges sont apparus, l’un après l’autre, qui m’ont ramenée à la vie .

Rom B, un agent de sécurité de la fête, a couru vers moi avec Yagil (producteur et responsable de la sécurité) à l’entrée de la conteneur et m’a dit de ramper jusqu’à l’entrée de la benne pour être évacuée car nous étions sous un feu nourri.

J’avais déjà passé plus d’une demi-heure à faire la morte sous des sacs poubelle en plein soleil, et j’avais perdu énormément de sang. J’ai rassemblé mes dernières forces pour ramper entre les corps jusqu’à Yagil et Rom. Je les ai rejoints, et Rom (qui avait déjà été touché aux deux mains) m’a traînée, m’a souri et m’a dit « Ne t’inquète pas, je veille sur toi ».

Entre les fusillades et les missiles, alors qu’il était touché aux deux mains, il a secouru autant de personnes que possible.

Rom a disparu plus ou moins juste après m’avoir évacuée, et je prie pour qu’il soit en vie et qu’il ait survécu à ces horreurs avec son grand sourire .

Les soldats n’avaient pas assez de matériel médical, ils m’ont mis un garrot uniquement sur la jambe gauche, ont écrit l’heure 12h00 sur mon front avec du rouge à lèvres, et tout ce qu’il me restait à faire était de prier pour que, contre toutes lois de la nature, tous mes membres restent avec moi.


Une voiture de police m’a évacuée sous des rafales de tirs, alors que j’étais pliée et en train de saigner sur la banquette arrière, le policier m’a protégée de son corps pour me protéger des tirs. On arrive à la première ambulance, le secouriste était sidéré, il n’avait pas de poches de sang, pas plus qu’il n’avait d’analgésiques.

Quand ils ont compris qu’ils n’avaient pas le matériel dont j’avais besoin, j’ai été transférée dans une autre ambulance de United Hatzalah. Toujours sous des rafales de tirs, Noam, Noa et Yaara m’ont soignée avec courage et sérénité, conscients que j’étais vraiment à un souffle de la mort.

J’étais étourdie et j’avais du mal à parler. Yaara était également à court d’analgésiques, alors elle a immédiatement arrêté une autre ambulance qui lui a passé un flacon de kétamine par la fenêtre, ce qui a tout changé. Yaara l’a injectée dans mon épaule, et 30 secondes plus tard, mon corps était engourdi. Et mon esprit? En vacances à Hawaï.

J’étais complètement out, je ne ressens rien, je ne comprends rien, et sans imaginer que je sortirai vraiment de ce cauchemar. Je flotte et je ne comprends rien. Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi le terroriste m’a-t-il tiré dessus ? Pourquoi sommes-nous tous les deux dans cette situation? Mes amis sont-ils en sécurité ? Où sont-ils ? Et mille autres questions sur ma vie jusqu’à présent …


Parce qu’aujourd’hui, c’est la fin.

Y a-t-il quelque chose que je changerais ? Quelqu’un que j’aime et à qui je n’ai pas parlé? Je ne croyais pas qu’il était possible de penser à autant de choses à la fois, surtout au moment où je frôle la mort de si près.

Après un transport en ambulance rapide comme l’éclair pendant lequel j’ai perdu beaucoup de sang, je suis arrivée à l’hôpital Assuta à Ashdod, étourdie et inconsciente, sans sang ni veines (ils ont ouverts une artère principale dans mon cou) où j’ai reçu des transfusions de sang.

À partir de là, l’histoire ce sont les médecins qui racontent mon histoire parce que moi je ne suis plus là. Il y a juste mon corps blessé, allongé sur la table d’opération avec quelques anges qui ont décidé de sauver ma vie. Après une journée qui semblait durer un mois, je me suis réveillée sous assistance respiratoire à l’hôpital, j’ai bougé ma jambe droite, puis ma jambe gauche. J’ai vu mes deux parents au pied du lit, émus par le miracle qui était arrivé, j’ai réalisé qu’ils ne m’avaient pas amputé de la jambe gauche.

J’ai remercié Dieu du plus profond de moi d’être enfin dans un lieu sûr, et d’être en vie.

Je savais déjà que notre cher Ilkin a été tué. Dushi et Eden se sont échappées indemnes, et mon Inbar a été enlevée, inconsciente, sur un tracteur en direction de Gaza. Prise en otage par le Hamas. Mon cerveau n’arrive toujours pas à assimiler l’ampleur de la situation.

Après avoir lutté pour ma vie presque toute la journée, j’étais déshydratée, faible, et j’attendais en jeûnant la prochaine opération, étourdie, embrouillée et recevant perfusion après perfusion.

Un autre ange est arrivé - Adi. Elle a humidifié ma bouche avec de l’eau pour que je ne meure pas de déshydratation, et m’a lentement appris à respirer à nouveau, sans intubation . Jusqu’à ce que je reprenne complètement conscience, j’étais déjà en route vers une autre opération avec le Dr T, un chirurgien plasticien qui a développé une méthode unique pour soigner les blessures par balle, impliquant des implants en plastique ou métal, des points de suture, et l’administration directe d’antibiotiques au niveau des blessures, grâce à des éponges disposées dans toutes les parties du corps où j’ai été blessée.

Je me suis réveillée dans un brouillard et dans une douleur infinie le matin suivant l’opération, réalisant que la véritable bataille pour me tenir debout ne faisait que commencer.

Maintenant, j’ai besoin d’essayer de dormir plus d’une heure d’affilée sans rêver de l’un de mes amis morts, ou du terroriste Gazaoui qui m’a tiré 3 balles dessus, ou des voitures explosant devant nous, ou des membres de mes amis qui ont volé sur mon visage alors qu’ils étaient assassinés dans le conteneur, ou à ce qu’on ressent quand on frôle la mort …


Naama on a hospital bed with a gunshot wound on her shoulder

Ces pensées sont incessantes et ne cesseront pas de sitôt. Ni pour moi, ni pour aucun autre survivant, et même pour ceux qui ont vécu cette horreur depuis chez eux, qui ont perdu tant d‘êtres chers.


En ce moment, je suis emplie d’une reconnaissance infinie d’être en vie, ainsi que certains de mes amis qui ont également survécu à cette abomination (malheureusement pas beaucoup).


Des gens,des Rabbins, sont venus me toucher pour capter ma chance. Et moi, une jeune fille naïve de 25 ans de Haïfa , je suis devenue une victime de guerre, un miracle médical, qui attire des personnes souhaitant avoir autant de chance que moi.


Je vais commencer par remercier Ben O. , du département de traumatologie, qui a été à mes côtés tout au long de mon hospitalisation, m’amenant des cadeaux, à manger, et de tout ce qui rendrait mon hospitalisation plus agréable. Tu es mon ange.


Je tiens également à remercier les milliers de bénévoles qui ont distribué de la nourriture, des boissons chaudes, des shampoings et d’autres cadeaux.

Aux stars de l’émission “Eretz nehederet” et au charmant Dudu Tassa qui sont venus me remonter le moral pendant les jours les plus sombres de ma vie.

À tout le personnel du département d’orthopédie d’Asuta Ashdod qui m’a soignée avec courage et amour. Au grand rabbin de l’hôpital qui n’a pas arrêté de me rappeler que je suis un miracle vivant et que j’ai gagné une nouvelle vie.


À Kinneret, la responsable des relations avec la clientèle du département d’orthopédie, qui a été comme une deuxième mère pour moi pendant une semaine.

Combien je t’aime.


À mes parents qui m’ont accompagnés dans cette course folle, jours et nuits, sans sommeil et dans d’une inquiétude infinie.À mes amis qui, du monde entier, ont appelé pour prendre de mes nouvelles et sont venus à l’hôpital me remonter le moral.À la tribu Nova qui, malgré de nombreuses pertes, a su se comporter avec maturité et responsabilité tout au long du désastre que nous avons traversé, est venue me rendre visite et a appelé toute la journée pour prendre de mes nouvelles et, bien sûr, a envoyé des cadeaux tout au long de l’hospitalisation.Merci aux autres anges qui se sont occupés de moi du début du voyage jusqu’à la fin, sans vous, je ne serais pas ici aujourd’hui .


Je terminerai par un petit conseil pour vous tous. Notre pays entier traverse actuellement une phase de post-traumatique. C‘est une expérience à laquelle personne n’aurait dû être confronté, il faut la traiter les premiers jours pour qu’elle ne se transforme pas en un dommage plus substantiel à l’avenir.


Un esprit sain - dans un corps sain, et nous devons tous nous tourner vers des professionnels et parler de nos terribles blessures. J’ai une liste de dizaines de professionnels exceptionnels du domaine du traumatisme et de la psychologie qui offrent de parler gratuitement à quiconque le souhaite,


Il est vraiment important que cela parvienne à tout le monde. Moi aussi, je suis déjà disponible pour parler avec quiconque le souhaite, de que vous avez traversé, de que j’ai vécu, ou simplement de la météo.


Essayez de vous entourer de personnes positives qui vous remonteront le moral. Et concentrez-vous sur le verre à moitié plein (même à un quart plein) et soyons reconnaissants pour nos proches qui sont toujours en vie.

Merci au destin de m’avoir permis de renaître le 7 octobre 2023 et de mesurer la force que j’ai en moi, et en mes proches. On se voit au prochain festival Novanniversaire.


Naama G.


close up of Naama smiling on her hospital bed

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